Le covoiturage à Mayotte : une habitude qui commence
Par Nora Godeau | Le 30/05/2022 | Environnement
L’association Garico a été pionnière du covoiturage à Mayotte en 2019 en créant une plateforme en ligne, imitée bientôt par Heyap et Co’riendré. Mais le concept ne se développe que tout doucement sur l’île, pour des raisons à la fois sociales et structurelles. Explications.
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Malgré les embouteillages quotidiens qui gangrènent l’île aux parfums, l’idée du covoiturage à Mayotte et donc de partager son véhicule pour réduire le nombre de voitures sur la route a du mal à s’ancrer dans les habitudes des Mahorais.
« C’est quoi ? », obtient-on parfois comme réponse lorsqu’on aborde la thématique du covoiturage avec des riverains pris au hasard dans les rues de Mamoudzou, le chef-lieu de l’île. Il nous a régulièrement fallu expliquer le mot à ces personnes qui connaissaient pourtant le concept. « Ah, partager sa voiture ? c’est une bonne idée, mais je n’y pense pas ! » ou encore « Des fois je le fais, avec des membres de la famille ou des voisins, mais juste de temps en temps pour rendre service », ont déclaré ces personnes, ayant souvent un certain âge et habituées à ne fonctionner qu’en famille. Il faut dire que le climat d’insécurité qui plane depuis des années sur l’île au lagon n’incite guère les gens à faire confiance à des inconnus. « Prendre des inconnus en voiture ? Mais c’est dangereux ! On ne sait jamais sur qui on peut tomber ! », a-t-on pu également entendre lors de notre micro-trottoir.
Heureusement, chez les jeunes, le son de cloche est un peu différent. Fatinina, jeune femme de 27 ans ; nous a par exemple déclaré pratiquer régulièrement le covoiturage avec ses collègues de travail. «Les collègues non-véhiculés sont venus nous demander d’eux-mêmes s’ils pouvaient embarquer dans nos véhicules pour venir au travail en échange d’un partage de frais d’essence », nous raconte-elle. « Et entre conducteurs, on se relaie, comme ça on n’a pas à conduire tous les jours ! », ajoute-elle tout en déplorant « qu’à Mayotte, c’est moins facile qu’en métropole car Blablacar n’existe pas ». Les adeptes de la pratique le font surtout entre voisins ou connaissances malgré l’existence de 3 plateformes de covoiturages créées ces dernières années.
Sommaire
Garico, l’association pionnière
Tout le monde se plaint pourtant des embouteillages monstrueux autour du chef-lieu, qui regroupe encore aujourd’hui l’écrasante majorité des travailleurs de l’île. C’est ainsi que l’informaticien El Farouk Adinani, lassé de perdre du temps chaque jour dans les transports, a eu l’idée, avec quelques confères, de mettre ses compétences au service de ses concitoyens en créant Garico en 2019, la première plateforme de covoiturage de Mayotte. « Nous étions un petit groupe de développeurs et nous nous sommes dit que nous pouvions sans doute apporter quelque-chose dans le domaine », nous explique-t-il. Après un sondage qui s’est révélé encourageant auprès de la population, la plateforme entièrement gratuite est née. « L’association est entièrement gérée par des bénévoles. Ce que nous voulons surtout, c’est changer les mentalités et introduire tout doucement ce concept sur l’île, sans brusquer les gens », explique le président de Garico.
Si ce dernier nous explique que « la mayonnaise ne prend que tout doucement », c’est que Mayotte se heurte à plusieurs difficultés. Avoir sa propre voiture est la marque qu’on a réussi à accéder à « un certain statut social ». Y renoncer en privilégiant le covoiturage équivaudrait donc à une forme de régression », nous confie un notable de l’île. La crainte des inconnus pèse également. « C’est pour cela que nous demandons les pièces d’identité de chaque utilisateur ainsi que le permis des conducteurs ; évidemment », réplique El Farouk Adinani. Au-delà de ça, des raisons purement matérielles empêchent également le concept de se développer harmonieusement sur l’île. À Mayotte il n’y a en effet aucun parking ou même simple panneau de covoiturage !
Alerter les collectivités locales sur le sujet du covoiturage
L’association Garico essaie d’alerter les collectivités locales sur le problème afin de mettre en place des structures pour l’encourager. Ambdilwahedou Soumaïla, le maire de Mamoudzou, est déjà un fervent défenseur du concept. Il a d’ailleurs maladroitement tenté, en 2021 de mettre en place une circulation alternée en fonction de la plaque d’immatriculation ; notamment pour y inciter les gens. Sa décision avait provoqué les foudres des automobilistes et un petit groupe d’entre eux avaient réussi à faire annuler son arrêt par le tribunal administratif.
Ce dernier avait pourtant eu l’effet escompté ; El Farouk Adinani nous confie que la fréquentation de la plateforme Garico avait nettement augmenté suite à la publication de l’arrêté. « Mais c’était trop brutal. Il faut davantage miser sur une évolution progressive des mentalités », estime-t-il. Garico a en tout cas été imitée depuis par deux autres, créées sous forme d’entreprises pour leur part : Heyap et Co’riendré. Preuve que le concept prend peu à peu racine sur l’île aux parfums, même s’il faudra encore sans doute de nombreuses années avant qu’il ne devienne une évidence !
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