Les motards de Guadeloupe à l’honneur : sortie annuelle de « Motard Kapestè »

Par Priscilla Romain | Le 17/11/2021 | Moto

La vie de motard, à l’instar de la vie de militaire, est une aventure dangereuse, ou la passion et la mort marchent main dans la main. C’est pour cela qu’il paraissait tout indiqué à Pierre-Guy Rétel, le président de l’association Motard Kapestè, de fonder un immense événement en l’honneur de tous les motards de Guadeloupe, à la date du 11 novembre. « Les militaires ont leur jour. Ils sont honorés, célébrés. Nous aussi, motards devrions avoir ce jour pour nous.» Ensemble, ils enfourchent leurs deux-roues et choisissent un itinéraire qui alterne, chaque année entre Grande-Terre et Basse-Terre.

Une pensée vers ceux qui ne sont plus là

La parade commence toujours par un arrêt au monument en mémoire des victimes de la route, érigé sur la route du bourg du Gosier. « Nous y déposons des gerbes de fleurs, car dans l’année, vous pouvez être sûrs que l’un d’entre nous a perdu un ami, un voisin, un membre de sa famille à moto. Avant notre parade, nous devons penser à eux et honorer leur mémoire. Ils sont partis bien trop tôt. » déplore Pierre-Guy Rétel. Depuis plus de 20 ans, c’est une des missions principales de l’association. Éduquer, sans relâche, les enfants et les adultes à la responsabilité sur la route.

Et si Pierre-Guy Rétel s’en est senti investi, c’est parce qu’il a porté la douleur de la perte, presque dans sa chair. « En 2001, j’ai perdu mon meilleur ami, un motard. C’est bête, il venait de déposer son casque chez moi… il est parti et n’est plus revenu… Avec son casque, il serait peut-être encore avec nous. » Depuis, en marge de la parade du 11 novembre, l’association a mené un combat colossal pour faire changer le comportement des motards.

Sa stratégie a été de commencer le combat chez les plus jeunes, qui eux, raffolent du vélo. «Le vélo, c’est la première étape avant le scooter, puis la moto. Or, ils ont l’impression qu’à vélo on n’a pas besoin d’équipements. C’est là qu’on intervient. On leur fait comprendre que sur la route, l’équipement est nécessaire. Il faut donc de bonnes chaussures et un casque, même sur un vélo.» Il a fallu 21 ans de travail acharné pour faire la différence. «Aujourd’hui, quand vous voyez un motard sans casque, le premier réflexe est de penser que c’est un voyou. Ou qu’il n’a pas de permis, car un motard responsable ne ferait pas cela.» La communauté est soudée autour de valeurs communes, un mélange étrange de responsabilité, de danger et de passion, qui fait son identité même.

Une sortie fraternelle

Le jeudi 11 novembre dernier, ils étaient plus de 350 à venir célébrer ces valeurs et d’autant plus heureux de se retrouver après une année blanche due à la pandémie. Toutefois, c’est un chiffre 10 fois inférieur au nombre de motards habituellement présents à la sortie. «Nous étions plus de 3 500 d’ordinaire. Mais j’ai émis la volonté de faire diminuer ce nombre. Tous ces motards dans la rue, c’est dangereux et contraire à l’image de l’association. Nous avons donc filtré, encore et encore, pour atteindre un nombre raisonnable.» D’autant que l’association a fédéré de nombreux acteurs publics autour de cette sortie. «Pour que les choses soient faites dans les règles, nous sommes escortés par les gendarmes et les policiers des communes que nous traversons. Les pompiers sont en alerte et briefés sur notre itinéraire.»

Le travail de dialogue mené par l’association a permis de lisser quelques aspérités dans la communauté. Le 11 novembre, des gendarmes et des «voyous» roulent ensemble, discutent et mangent ensemble. «C’est vraiment une initiative fraternelle. Même les gendarmes qui sont si à part dans la société et souvent synonymes de mauvaise nouvelle, sont heureux de venir avec nous. Le commandant nous a réitéré ses félicitations et c’est la preuve que notre approche fonctionne.» conclut le président Rétel.

Une fois les motos rangées, le travail de sensibilisation continue. Il faut encore assainir les relations entre les motards et les automobilistes qui, interprètent souvent mal leur attitude sur la route.

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