Le futur du Pick-Up s’inscrit en pointillé
Par Aurélien Voirin | Le 09/07/2021 | Conseils achat / vente
En 2021, le futur du pickup est plus que jamais menacé par l’appétit en énergie fossile de son moteur thermique. Pourtant des solutions techniques sont encore possibles pour tenter de "verdir" ce véhicule 4x4 traditionnellement très apprécié en Outre-mer. Si toutefois ce n’est pas culturellement déjà trop tard…
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Dans un contexte de transition écologique des transports et de lutte généralisée contre les émissions de CO2, l’automobiliste ultramarin peut aujourd’hui légitimement s’interroger sur la pérennité du pickup. Pourtant les principaux griefs adressés en France aux pickups ne remettent pas totalement en question ce type d’engin mais le contraignent plutôt à évoluer en modernisant sa conception.
Car le critère principal qui menace actuellement ce type de véhicule 4×4 à benne est essentiellement le niveau de CO2 émis par sa motorisation thermique (et plus indirectement son poids, revers logique de sa robustesse). Or, il est techniquement tout à fait possible aujourd’hui de concevoir un pickup qui ne serait plus émetteur de CO2 puisque la simple conversion électrique de sa motorisation supprimerait toute émission directe.
En procédant ainsi, le prix de vente de ces futurs pickups ne serait majoré ni par l’écotaxe CO2, ni par la future taxe au poids qui doit entrer en service en 2022 (celle-ci ne concernant pas pour l’instant les véhicules électriques ou hybrides rechargeables, nécessairement alourdis par leurs batteries métalliques solides). Un pickup électrique présenterait en effet sensiblement les mêmes qualités et défauts qu’une berline électrique classique.
Ford semble l’avoir en tout cas bien compris en annonçant la commercialisation l’année prochaine de la 14e génération de son légendaire pickup F-150 lightning en version 100% électrique, il rejoindra ainsi sur le sol américain le déraisonnable Hummer EV de 1000cv et tôt ou tard le cybertruck Tesla. Et ne parlons pas de la Chine où des pickups électriques roulent déjà depuis 2019…
En plus, ces pickups pourraient très bien être dotés au choix d’un stockage électrique à batteries ou bien d’une pile à combustible hydrogène en fonction de la robustesse de conception et de l’autonomie désirées par chaque constructeur selon la clientèle ciblée. Il s’agirait en quelque sorte pour le fabricant du pickup d’optimiser son prix de vente, son autonomie et sa consommation électrique en hiérarchisant le recours à l’une ou l’autre technologie, sachant que la combustion de l’hydrogène dans une pile électrique à combustible ou dans un moteur thermique adapté ne génère absolument aucun polluant, mais seulement de la vapeur d’eau.
Toujours aux usa, Nikola Motors a depuis quelques temps déjà un projet de pickup électrique « Badger » à pile à combustible hydrogène, celui-ci devait être co-produit avec General Motors avant que ces deux-là ne décident de se recentrer sur la conception plus stratégique d’un poids-lourds à pile à combustible. Sans oublier le coréen Hyundaï qui maitrise parfaitement cette technologie « Fuel Cell » avec son avant-gardiste SUV électrique Nexo et peut-être bientôt son nouveau pickup Santa Cruz dont la plateforme supporterait d’ores et déjà des groupes motopropulseurs thermiques, hybrides, électriques à batteries et même à pile à combustible !
Une autre solution serait d’utiliser un de ces nouveaux moteurs à combustion élaborés sur-mesure pour fonctionner avec de l’hydrogène « vert » (produit par des sources renouvelables tel que le photovoltaïque et l’eau par exemple). L’idée peut paraitre aujourd’hui surprenante pour les automobilistes français, tant les multiples déclarations officielles et la législation semblent contraindre strictement à la seule utilisation future de moteurs électriques.
Pourtant les textes ne sont pas toujours aussi explicites en semblant laisser parfois « la porte ouverte » à d’éventuels évolutions réglementaires en faveur de futurs combustibles décarbonés d’origine non fossile. C’est ce que propose par exemple Toyota, le précurseur des voitures à piles à combustible, avec son nouveau moteur 3 cylindres à injection d’hydrogène actuellement en phase de test en conduite réelle sur circuit et durant de véritables compétitions d’endurance.
Quant au caractère écologique de l’utilisation de l’hydrogène en tant que vecteur électrique ou carburant « vert », celui-ci n’est finalement lié qu’à la manière dont il est produit en amont, exactement comme pour la production actuelle d’électricité qui ne devrait provenir dans l’idéal que de source d’énergies renouvelables décarbonées. Bref, s’il devait y avoir des obstacles à la commercialisation prochaine de pickups électriques à batteries ou à pile à combustible en Outre-mer, ceux-ci ne seraient ni techniques, ni écologiques, mais plutôt économiques (rentabilité) ou sociaux (pouvoir d’achat de l’automobiliste ultramarin).
« En Outre-mer, nous avons besoin de pickups car les conditions peuvent vite devenir extrêmes, c’est même un impératif sur certains chantiers professionnels : aucun autre véhicule ne peut encore le remplacer ! C’est construit pour durer 30 ans et l’entreprise qui l’achète le sait. En plus, ici à Mayotte, une conversion précipitée vers l’électrique pourrait aussi devenir un problème social. », analyse Jérôme Collet, directeur marketing chez MMCD Groupe Citadelle (l’actionnaire majoritaire d’Oovango).
Par ailleurs, les constructeurs de pickup sont localisés dans le monde entier et leurs véhicules ciblent prioritairement les automobilistes d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Asie et surtout des États-Unis : c’est dire si le marché européen et tout particulièrement français n’est pas leur priorité !
Or, ces principaux marchés sont encore friands de pickups traditionnels fonctionnant aux hydrocarbures et leur législation reste assez peu contraignante. Dès lors, comment espérer que Ford, Toyota ou Dodge par exemple investissent rapidement dans de nouveaux pickups électriques qui puissent être ensuite homologués à moindre coût en France puis importés en Outre-mer ?
D’autre part, malgré les éphémères dispositifs d’aide à l’achat, le surcoût généré par leurs précieuses batteries renchérit déjà de simples berlines électriques : le coût de commercialisation d’un pickup électrique serait donc prohibitif, ce qui pénaliserait leurs ventes, donc la rentabilité de leur homologation en France face aux simples fourgons et SUV.
Même leur légendaire robustesse et durabilité risquerait d’être remise en question par ces versions électriques où le plancher abrite souvent de fragiles cellules électrochimiques lithium-ion (inflammables en cas de perforation) dont l’endurance et la durée de vie deviennent plus aléatoires au-delà de 7 années. (…raison pour laquelle Toyota à longtemps privilégié les robustes cellules nickel-hydrure métalliques et désormais les lithium-fer-phosphate ?)
Ainsi Paul Sandreschi, conseiller commercial Volkswagen dans le groupe Citadelle, explique avec lucidité : « À l’origine en Outre-mer, le réseau routier mal développé nécessitait régulièrement le recours au pickup pour se déplacer, particulièrement ici en Guyane. Aujourd’hui c’est indéniable, l’utilité du pickup a fortement diminué avec l’amélioration de la qualité des routes, notamment aux Antilles. En électrique comme en thermique, cela sonnerait donc pour lui comme le début de la fin. »
C’est un fait, la renaissance du pickup grâce à la « Fée Électricité » ou à l’hydrogène est visiblement encore possible aux Usa ou en Asie. En revanche, or usage strictement professionnel, son avenir en France et par extension en Outre-mer semble lui s’assombrir inexorablement…
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